L'alcool fort - une nouvelle de Philippe L.

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« L’alcool purifie tout, comme le feu ».
— Roger Fournier

« … Vous passerez toute la nuit, donc, en compagnie de nos pensionnaires. Si vous avez de la chance, vous pourrez même dormir un peu… Mais je pense que vous avez bien compris que ce n’était pas votre priorité. Enfin, vous avez l’habitude, si j’en crois votre CV, vous avez été gardien au centre de détention de... Mar-se-li-ni... n’est-ce pas ? »
Le directeur avait un air grave. Il ne semblait pas être une personne désagréable, mais il avait un naturel sérieux dont il ne semblait pas réussir à se départir, même avec un effort. Je savais déjà tout ce qu’il me disait – à vrai dire, j’étais déjà informé depuis plusieurs jours que j’avais été engagé pour le poste et mis au courant de ce qu’on attendait de moi.
« Oui, c’est cela. J’ai été maton à la prison de Marseligny, dans l’Ain, lui répondis-je. Les pensionnaires y étaient assez difficile, la magistrature n’y envoyait que les cas les plus violents : meurtres, trafic, violences, tout ça… Je ne pense pas que les gens d’ici ne me posent de gros problèmes.
— Nous verrons bien, monsieur B. » Le directeur n’abandonnait pas son sérieux. « Nos pensionnaires sont des alcooliques incurables, et certains ont été placés ici par les autorités. Ce sont tous des hommes et ce n’est pas sans raison. Ils sont tellement intoxiqués qu’ils feront tout pour consommer, et je pense que vous aurez vite l’occasion de voir quelles méthodes ils peuvent employer pour tenter d’en introduire dans la maison sous notre nez. Rappelez-vous notre règle d’or : même si nous ne pourrons pas tous les soigner, ne les laissez jamais, jamais – j’insiste – toucher la moindre goutte d’alcool. Et qu’il s’agisse de panaché pour enfants ou de sauce pour desserts, vous devrez veiller, pendant votre service, à ce que rien de ce genre ne circule dans la maison. Enfin, je pense qu’on vous a déjà dit ça. Je vais vous montrer un peu la maison et la chambre dans laquelle vous pourrez peut-être prendre quelques heures de sommeil certaines nuits, avec un peu de chance. Suivez-moi. »
Je suivis le directeur à travers les trois pièces qui servaient de bureau à l’administration de cette petite pension et nous quittâmes le bâtiment pour que je puisse admirer la petite infrastructure agricole qui occupait les résidents du lieu et la vue admirable qu’on pouvait avoir sur la vallée.
C’était quelque part dans un bel après-midi de fin du printemps, il faisait beau et une légère brise, qui rendait la chaleur supportable, soulevait dans les arbres une symphonie aussi rassurante qu’insensée. Le directeur m’emmena auprès du potager relativement vaste qui se trouvait entre la pension et une grande grange de bois qui abritait le bétail et les machines nécessaires à l’exploitation agricole.
Depuis là, je pus embrasser du regard le paysage magnifique de la vallée. Il n’était guère étonnant que l’endroit s’appelle Bellevue. Rien ne venait troubler ce paysage de nature verdoyante et le lac de Saint-Bruno, plus bas, qui brillait comme un miroir. Pour parfaire la scène, on ne voyait même pas le village, au bord du lac, à peine deux kilomètres en-dessous de la pension, caché par la pente et ses prairies. Je devinais également, un peu au-delà, près du chemin par lequel j’étais arrivé quelques temps plus tôt, le grand pâturage où paissaient les vaches du lieu, qui soulevaient à chaque mouvement le tintement caractéristique de leurs cloches.
« Je vous présente monsieur Mayor, notre agriculteur… et moniteur expérimenté. Il s’occupe des pensionnaires qui passent leurs journées à la ferme, c’est-à-dire la plupart ».
Je serrai la main de cet homme pas très grand, mais à la carrure imposante et à l’air aimable qui me salua chaleureusement et me souhaita la bienvenue plusieurs fois. Je vis, çà et là, sept ou huit silhouettes en habits de ferme occupées à des tâches diverses dans le potager ou aux abords de la grange. Cela devait représenter pas loin de la moitié des pensionnaires de Bellevue.
Le directeur et l’agriculteur m’expliquèrent pendant un moment le fonctionnement de l’exploitation agricole. J’écoutais distraitement en me régalant toujours du décor. J’avais grandi dans la ville et c’était la première fois qu’il m’était donné de travailler dans la campagne.
Une fois que la conversation eut touché à sa fin, le directeur me conduisit dans la cuisine, les lieux communs et le petit atelier de poterie où trois ou quatre pensionnaires apathiques tentaient tant bien que mal de confectionner divers objets artisanaux sous la supervision d’un jeune moniteur.
Le directeur me conduisit finalement à l’infirmerie, dont je devrais également m’occuper pendant la nuit, puisque certains des résidents de la pension avaient besoin de toutes sortes de soins. J’avais toujours été polyvalent, et ce genre de tâches ne me faisait pas peur. Elle communiquait avec la petite pièce – de la taille d’une chambre de bonne – où je pourrais éventuellement être amené à dormir.
Après avoir terminé la visite, le directeur me raccompagna à la porte et me serra chaleureusement la main, sans se départir de son sérieux et je me dirigeai vers ma voiture pour aller profiter de mon week-end avant de prendre mes fonctions de veilleur dans ce sympathique petit établissement.
Quand j’arrivai à la hauteur de la grange, un homme mal rasé, aussi grand que gros – un colosse – se dirigea vers moi avec un air particulièrement menaçant. Il était revêtu d’une salopette bleue qui portait le logo de la pension et avait à la main une fourche qui n’avait rien pour me rassurer. Il sentait la paille et la vieille bouse de vache. Je souris et me montrai aimable, sans toutefois perdre de mon air naturellement autoritaire. C’était toujours la meilleure solution dans ce genre de cas, cinq ans à garder des prisonniers violents m’avaient bien formé sur la question.
D’après mon souvenir des dossiers que j’avais pu consulter, ce colosse s’appelait Kramer. Il avait une tendance à l’impulsivité et son passé semblait empreint de toutes sortes d’actes particulièrement violents. Sa relative indépendance et le peu de dommages apparents que l’alcool lui avait infligés faisaient de lui quelqu’un de rétif et d’amer. J’étais un peu surpris de le voir sur ma route, mais je continuai en direction de ma voiture tout en lui adressant une salutation discrète.
Il ne se départit pas de son air menaçant et ne me retourna pas mon salut mais, quand je l’eus dépassé, il me dit, d’une voix particulièrement peu aimable.
« T’es le nouveau veilleur, hein ? C’est toi qui va venir nous faire chier toutes les nuits depuis la semaine prochaine, hein ? »
J’allais lui répondre quelque chose, mais il ne m’en laissa pas le temps.
« Tu sais ce qui est arrivé au dernier maton de nuit de cette maison de tarés ? Il est parti parce qu’il a pas compris les règles. Et toi, tu les connais, les règles ? » Il s’approchait dangereusement. « La nuit, y a que toi pour nous faire chier. Alors on fait ce qu’on veut, tu vois. Et si tu essaies de nous en empêcher, tu vas te retrouver avec un bras, une jambe ou peut-être un œil en moins. Et si tu veux pas que je fasse de tes tripes une platée de spaghettis avec ma petite, là (il agitait sa fourche), tu vas bien gentiment faire comme les autres. T’enfermer dans la petite piaule et pas en sortir jusqu’au matin. Compris ? »
Je ne lui répondis pas, mais conservai un air aimable et m’en allai avec ma vieille voiture.
Si j’avais pu penser que le boulot serait tranquille, ça, ça me donnait le ton.

*   *   *

Dans un premier temps, je m’attendais surtout à faire soit le maton, soit l’infirmière – ou plutôt, disons, un mélange des deux. Je fus déçu.
Je n’avais pas prévu de passer des soirées tranquilles dans la salle commune avec quelques-uns des pensionnaires les mieux portants, à m’initier à divers jeux de cartes dont je n’avais jamais osé imaginer l’existence. Il m’arrivait même parfois de me laisser entraîner dans l’une ou l’autre discussion à caractère politique et philosophique et même si cela ne me menait pas dans des hautes sphères d’intellect et de sagesse, cela me permit petit à petit de me rassurer et de comprendre que certains des gens qui résidaient à Bellevue n’étaient ni des brutes, ni des dégénérés…
Mais ces agréables pensionnaires ne constituaient malheureusement pas la majorité. Une bonne partie avaient développé une dégénérescence du cerveau qu’on m’avait présentée comme « le syndrome de Korsakoff ». Les victimes s’étaient littéralement brûlées la mémoire à court terme à coup d’éthanol et, si, au premier abord, ils semblaient pouvoir soutenir une conversation normale et se rappelaient à peu près de tout ce qui concernaient leur vie, on se rendait vite compte qu’ils ne se souvenaient de rien concernant le présent. Certains se contentaient d’oublier le menu du soir, mais il m’est arrivé plusieurs fois de devoir raccompagner dans leur chambre des hommes qui erraient dans les couloirs, « à la recherche du bistrot » ; ils ne se souvenaient pas où ils étaient, ce qu’ils faisaient là, ne me reconnaissaient pas. L’un d’entre eux était là, dans la même chambre, depuis plus de dix ans, et, chaque soir, il croyait aller retrouver son épouse, pauvre femme qui était morte de chagrin bien avant qu’il n’arrive chez nous.
Il y avait aussi ceux aux yeux jaunes, le foie plein de cirrhose. Ils étaient moins nombreux : ils arrivaient souvent à Bellevue pour y passer quelque mois… Et puis mourir. Je dois avouer que, certains soirs, en allant me coucher, j’avais les yeux piquants, à penser à ces corps détruits par une substance que j’avais toujours eu du mal à considérer comme un poison, ou même un danger.
Mais le pire de tous, c’était le dénommé Legrand. Son corps, son cerveau, toute sa personne étaient tellement rongés par des décennies d’un alcoolisme intense qu’il était comme une coquille vide… Non, pas vide, plutôt une coquille qui abritait un contenu pourri et puant, sans espoir de guérison. Ce n’était pas tout à fait un légume, mais pas loin : devant son assiette, il mangeait, dans l’atelier poterie, il se mettait machinalement à nettoyer les vases ou les tasses de terre cuite fraîchement sortis du four. Mais quoi qu’il arrive, il ne se déplaçait pas de lui-même. Il suivait qui le prenait par le bras et, tant que personne ne le guidait, il ne bougeait pas. Il lui est même arrivé, m’a-t-on dit, de s’écrouler de son fauteuil dans la salle commune, après s’être endormi alors que les pensionnaires regardaient un film.
La jeune infirmière qui s’occupait le plus souvent des résidents restait jusqu’en début de soirée pour conduire Legrand à son lit et mettre en place la barrière qui l’empêchait de tomber. Elle m’avait montré la marche à suivre, mais je me souviendrai toujours de la première fois que je dus aller le coucher moi-même, seul.
J’allai le chercher dans la salle commune, où quelqu’un l’avait conduit près de la télévision. Certains me saluèrent (mes compagnons de jeux de cartes) tandis que je sentais un regard plein de haine se poser sur moi (Kramer). Je pris Legrand par la main et lui dit : « Venez, monsieur, c’est l’heure d’aller au lit. »
Parler ne servait à rien du tout, mais cela me semblait naturel. Certains pensionnaires lui faisaient aussi la conversation parfois. Pour une raison que je ne connais pas, il semblait attirer sur lui une sorte de sympathie. C’est vrai qu’il est difficile de détester quelqu’un qui ne vous donne pas de prétexte à contrariété.
Je le conduisis à-travers les couloirs de l’institution jusque dans sa chambre, qui se trouvait au deuxième étage. Il se tenait à côté de moi, le regard vide. Dans le petit ascenseur, j’entendais le rythme régulier de sa respiration qui semblait parfois un peu difficile. Son apparence évoquait un homme âgé, un peu courbé, et très maigre. Ses cheveux n’étaient pas gris, mais ils étaient coupés très court et il avait une calvitie assez avancée. À le voir, comme ça, on lui aurait donné soixante-dix, peut-être même soixante-quinze ans. En réalité, j’avais constaté en consultant son dossier qu’il n’avait pas encore cinquante ans.
D’ailleurs, son cas était plutôt épicé. Il avait fallu contacter tellement d’instances pour rassembler toutes les données – m’avait signalé un collègue – que certaines arrivaient encore aujourd’hui. Orphelin, cet homme n’avait aucune famille connue. Il avait passé l’essentiel de sa vie clochard errant dans les rues de plusieurs grandes villes du continent. À peu près toutes les polices avaient un dossier sur lui et il s’était enfui de tous les centres dans lesquels on avait voulu l’interner. Personne n’était même certain que Legrand soit son vrai nom. Étant donné son état, cela n’avait pas tellement d’importance, parce qu’il avait plus de temps derrière lui que devant lui. Un jour, on l’avait retrouvé dans un caniveau, dans son vomi et ses excréments, le cerveau tellement grillé qu’il resta là où on le mit : ici, à Bellevue.
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’avait pas eu une vie de rêves, mais il est absolument certain que, même s’il avait été mêlé à pas mal d’histoires louches, il devait avoir une personnalité (désagréable, certes) tout à fait hors du commun… Sachant cela, se retrouver devant une telle absence de réaction était déstabilisant.
Je l’introduisis dans sa chambre, défit son lit, le changeai, le mit sur les toilettes (c’est important dans ce genre de cas, les habitués comprendront, mais je n’entrerai pas dans les détails) et le couchai. Cela n’avait rien de particulièrement complexe, il suffisait de le guider un peu et il accomplissait la plupart des gestes, comme un automate dont il suffisait d’appuyer sur la bonne touche pour l’activer.
Je remontai la barrière, simple armature de métal recouverte de tissu, qui l’empêchait de tomber pendant son sommeil. Je m’apprêtai à sortir quand je remarquai une lueur peu commune dans son regard. Peut-être pas un éclair de lucidité, mais un genre de réaction. Il en avait parfois, mais cela ne conduisait pas vraiment à grand-chose.
Il se tordait la bouche comme pour essayer de parler, mais, dans un premier temps, il ne s’agissait que de grognements. Logiquement, je dis :
— Bonne nuit à vous aussi, monsieur Legrand. À demain.
— P… ppp… pourrrr…. quoi… pourquoi ?
J’étais stupéfait de l’entendre prononcer un mot en entier. Ne sachant comment réagir, je me contentai de répondre :
— Je n’en sais rien, mon vieux. Je n’en ai pas la moindre foutue idée…

*   *   *

Je constatai rapidement que malgré les promesses, le désir de retrouver une vie normale, malgré la conscience que certains avaient – parfois – de leur état, l’alcool restait omniprésent. Pour nous, les employés, dans les dossiers, dans les colloques, dans les discussions. Et dans toute la maison, toujours, il fallait rester en éveil : malgré les fouilles, les menaces ou les confidences, l’éthylomètre finissait toujours par afficher quelque chose…
Les collègues m’avaient fait part de bien des méthodes employées par les plus astucieux et les plus roublards des pensionnaires, et j’en découvrirais des plus folles encore.
Après un décès, on avait découvert dans les armoires des sacs remplis de bouteilles miniatures, vides, bien entendu, suffisamment pour représenter des mois, voire peut-être même des années d’une consommation plus que correcte. Il ne fallut pas réfléchir très longtemps pour découvrir la façon de faire du bonhomme. Soit disant grand amateur de soda (on serait étonné de voir combien les abstinents ne supportent réellement plus de boire de l’eau), il faisait ses petites courses le jour consacré, achetait soda et alcool et, ingénieusement, ouvrait chaque bouteille de soda (préalablement choisies dans la gamme des boissons opaques) et y insérait par le goulot les fioles qui, à y regarder dans ses courses, même attentivement, passaient dès lors complètement inaperçues.
Si ce moyen était fort ingénieux, certains parvenaient sans effort à passer entre les gouttes ; tout le monde n’a pas la même vigilance. Ainsi, un jour, le technicien, en changeant quelque ampoule, posa son regard à l’intérieur du faux-plafond pour y découvrir un cimetière de bouteilles particulièrement bien fourni. Je me souviens l’avoir aidé à se débarrasser des sacs poubelles gonflés de verre : il y en avait au moins quatre.
Ce fut justement le soir où je découvris une de ces méthodes que tout bascula à Bellevue, que je découvris à quel point on pouvait sous-estimer le pouvoir de l’alcool.
J’avais passé une soirée sans grande aventure, j’avais joué un peu avec quelques pensionnaires et été couché monsieur Legrand qui, depuis la dernière fois, ne m’avait plus adressé le peu de parole dont il semblait capable. Conformément au programme, je fermai les portes extérieures en terminant par la porte principale, qui donnait sur la cour où traînaient çà et là quelques-uns de ces outils qui trahissaient indubitablement la ferme qui se trouvait derrière. Je sortis quelques minutes le temps de fumer une dernière cigarette, et profiter de l’air à peine frais de cette douce soirée d’été. C’était ce moment juste avant la nuit, déjà presque la nuit, où le ciel prend la teinte sombre des secrets.
J’allais rentrer quand, un peu plus loin, derrière la grange en face, je vis une ombre remuer. Les environs sont infestés de chats, à tel point qu’on ne les remarque plus… Mais là c’était trop gros. Trop gros pour être un animal, et là-bas, entre les murs, un cheval ou une vache ne pouvait pas se faufiler. Je laissai la porte derrière moi et me dirigeai, doucement, pour voir.
J’arrivai entre les deux granges : il n’y avait personne… Mais je réalisai bientôt qu’il y avait bien quelqu’un, plus loin, au-delà des bâtiments, quelqu’un qui grimpait sur la pente derrière. Je suivis silencieusement l’inconnu. L’obscurité brouillait un peu mes perceptions, mais je le voyais, plus loin, là-bas, comme un serpent, remonter le petit talus pour rejoindre le chemin qui passait derrière Bellevue, le petit chemin où passaient parfois une voiture où l’autre et où, les fins de semaine, on pouvait voir passer les familles qui se rendaient à quelque lieu de pique-nique.
La carrure de mon homme, que je pus enfin observer, ne laissait pas le moindre doute : c’était mon bon Kramer – encore lui – qui tentait une opération commando que je ne comprenais pas encore. Je le suivais, et, mine de rien, je constatai qu’il n’avait pas la meilleure des formes : le talus n’était pas très raide et je ne dus pas faire beaucoup d’efforts pour le gravir. Je m’arrêtai un peu avant d’arriver en haut : je laissai juste ma tête dépasser pour voir à quel manège pouvait bien se livrer mon bonhomme.
C’était particulièrement malin : il avait soulevé une sorte de trappe au bord de la route, de l’autre côté, qu’il avait posée à côté de lui, juste devant mes yeux. Elle était recouverte de terre, d’herbes et de feuilles mortes : même en marchant dessus, on n’aurait vraisemblablement pas pu imaginer que, là-dessous, quelqu’un cachait une bonne réserve de bouteilles.
J’entendis le bruit caractéristique des bouteilles pleines qu’il mettait apparemment dans un sac à dos, puis celui des vides qu’il jetait dans le trou. Je ne sais pas quel genre de complice s’occupait d’échanger vides et pleines, et je ne le sus jamais.
C’est à ce moment-là que je me décidai de surgir sur la route. Mon gaillard en tomba presque à la renverse, et, dans sa frayeur, il lâcha le sac à dos qui émit un bruit étouffé de bouteilles qui s’entrechoquent. Il émit pendant quelques secondes des grognements insensés, puis je me penchai pour ramasser le sac.
« Allez, monsieur Kramer. C’est fini. Rentrez maintenant. »
Pris de panique, il me fonça dessus comme un taureau qui charge. J’esquivai, mais il brandit un poing – un poing puissant de fermier – juste au mauvais moment. Je ressentis une violente douleur à la tempe, l’entendit tomber plus ou moins violemment dans le talus.
La réalité se mit à tournoyer autour de moi, je tombai à genoux en me tenant la tête, puis je tombai lentement sur le sol.
Pendant quelques secondes, je perdis conscience.

*   *   *

Quand j’eus réussi à me relever, j’ai pris le sac et je suis rentré. J’ai rejoint la chambre de veille et je me suis posé sur le lit, la tête entre les mains. J’avais un mal de chien, mes jambes et mon crâne me faisaient atrocement souffrir.
Il me fallut un certain temps pour reprendre mes esprits, fermer la dernière porte à clef… Je ne trouvai aucune trace de Kramer. Je supposais qu’il avait décidé de quitter les lieux. Cela ne m’affecta pas le moins du monde. J’avais juste envie que cette nuit se termine, que cette semaine se termine, que je puisse quitter ce monde qui, je le réalisais maintenant, n’était pas le mien. Si seulement j’avais pu m’imaginer, à ce moment-là, combien le matin était encore loin, je pense que je serais parti. J’aurais tout plaqué, je ne me serais pas retourné et personne ici n’aurait plus jamais entendu parler de moi… Jamais.
Mais je me suis dit que c’était mon travail. L’incident de ce soir me devait être une des joies du métier.
Après avoir rejoint ma petite cellule, portes de la pension fermées, lumières des salles communes éteintes, dernières vérification faites dans les chambres concernées, j’ai téléphoné à l’agriculteur, Mayor, le piquet de la nuit, et lui ai raconté les événements de la soirée et annoncé que Kramer était désormais aux abonnés absents – ce qui n’était pas la première fois.
« Tu m’as l’air fatigué, mon vieux, me dit-il d’une voix endormie. Vas te coucher. On en parlera demain. Je me charge de prévenir la police – c’est la procédure. Ils prendront note de la chose et tu verras, demain, dans la soirée, il reviendra, comme toujours. Tu veux que je vienne ? (Il habitait au village, en deux minutes, il serait ici avec sa voiture).
— Non, non ça va aller. Je vais m’en sortir. »
Ma voix était lasse, bien trop lasse.
Après cette brève conversation, et quelques derniers détails à régler (il y a, fondamentalement, toujours quelque chose à faire, ici), je me suis étendu dans le lit usé, sans même me laver le visage ou enlever le moindre vêtement.
Je crois que je me suis endormi tout de suite... Mais pour un bref instant seulement.
Un vacarme épouvantable me fit bondir hors de ma couche. Quelqu’un frappait violemment sur ma porte. Peut-être même avec une planche, une chaise… une fourche – je ne sais pas. Je réalisai vite que Kramer était revenu et qu’apparemment, il m’en voulait beaucoup.
Il hurlait, il beuglait, il rugissait, je ne sais trop quel terme animal lui appliquer, si ce n’est que quelques phrases humaines se détachaient parfois de ses rugissements.
« … Je vais te tuer, maton ! … Rends-moi ma came, j’ me contenterai d’ t’ péter les jambes, fils de pute ! … »
Les termes les plus violents et les intentions les plus meurtrières se succédèrent pendant un certain temps derrière ma porte. Je ne l’ai pas ouverte, je n’ai rien dit. Je dois l’avouer : j’étais terrifié. Ce n’est pas une prison. Je n’ai pas de matraque, il n’y a pas de barreaux. Si quelqu’un veut me tuer, avec une chaise, avec une planche, avec un fourche, quelqu’un qui a manifestement la force de trois hommes, il pourrait bien y arriver. J’ai beau savoir me défendre, je n’étais pas prêt à affronter un titan en furie. J’avais mal, j’étais fatigué… Peut-être même, qu’au fond, je n’ai pas d’excuse… Quoi qu’il en soit, je n’ai rien fait. Et, d’ailleurs, je ne crois pas que cela ait changé quoi que ce soit.
Le silence finit par retomber, après ce qui sembla l’éternité d’une tempête séculaire. Peut-être cela n’a-t-il duré que quelques secondes. Peut-être Kramer a-t-il pensé que je n’étais pas là, ou alors a-t-il oublié pourquoi il était furieux. On ne peut jamais savoir, avec les gens comme lui. Le calme revint finalement et je goûtais à ce qui ressemblait à un moment de parfaite sérénité. Le calme après la tempête, l’ombre de la mort reprenait son chemin pour aller s’intéresser à quelqu’un d’autre…
Comme tous les répits, celui-ci fut de courte durée. Les aventures de la soirée étaient loin d’être terminées.
Cette fois, ce fut l’alarme incendie qui se déclencha, d’un coup, retentissant soudain comme un glas sinistre. Je sentais que mes limites, ma santé mentale, mes émotions se fissuraient petit à petit en moi, j’avais l’impression de n’être plus qu’une coquille vidée de tout son jus, une écorce mourante. Une sorte d’animal mécanique poussé par quelque conscience professionnelle – la seule chose qui me restait.
Dans ce genre de cas, il faut réagir vite. Si c’est un véritable incendie, cela va sans dire, mais si c’est une fausse alerte, il faut éteindre les alarmes avant que le processus automatique ne prévienne les pompiers – et même d’autres services – ce qui engendre des complications administratives et financières (même si, personnellement cela m’est bien étranger) et fait se déplacer en pleine cambrousse des gens dont les services pourraient être requis ailleurs.
Je n’étais pas paniqué. Simplement porté par mon adrénaline. Je l’ai dit, mes émotions, mes pensées, elles, ne ressemblaient plus à rien.
Je me suis dirigé vers le panneau de commandes, dans l’entrée. L’endroit contenait trop d’informations pour que je puisse y comprendre quoi que ce soit sur le moment. La porte d’entrée était défoncée – plus précisément, le porte avait été enfoncée, le loquet et une partie du panneau mural en bois étaient arrachés… Kramer devait avoir quitté les lieux dans sa furie.
Et puis, les yeux fixés sur la porte, un peu plus bas dans l’escalier, Legrand se tenait là, en pyjama, se balançant étrangement sur ses jambes. Ce n’était pas – m’avait-on dit – la première fois qu’il se mettait à marcher, mais cela ne lui arrivait que très rarement. Il en était capable, c’est juste qu’il ne le faisait jamais. Je ne me demandai pas comment il avait franchi sa barrière, ni comment il avait bien pu atterrir ici.
Je n’avais pas le temps. « Retournez-vous coucher, monsieur Legrand, allez-y, tout va bien ». Je n’en avais pas la moindre idée, je ne savais même pas encore si c’était vrai, mais, pris dans un tourbillon infernal, dans un mélange parfait de saturation et de néant, rien d’autre ne m’était venu à l’esprit. Autant pour la conscience professionnelle. Elle aussi, finalement, avait sombré dans l’ouragan de pièces détachées, broyées, déchirées, qui composaient maintenant mon être intérieur. Il est parti – lentement, en boitant, en s’accrochant partout, comme si ses jambes n’étaient que des bâtons inégaux, tordus, inutiles.
On m’avait appris à comprendre et analyser les suites de lettres et de chiffres qui indiquaient comment, pourquoi les alertes ou les sirènes avaient été enclenchées. Elle avait été activée ici – le panneau juste à côté. Aucun danger. Je fis quelques vérifications d’usage, toujours plongé dans une brume mentale qu’aucun vent ne semblait pouvoir chasser. Le hurlement de l’alarme finit par s’arrêter. Tout revint à la normale. Cela avait dû durer trente seconde. Quoi qu’il en soit je n’aperçus personne, quand je fis le tour des étages pour m’assurer que tout allait bien. Aucun des pensionnaires n’avait bougé, comme si, finalement, il n’était pas important de se lever pour une simple alarme incendie.
Je suis retourné dans mes appartements. Enfin. Pitié, la paix. Je m’assis, je soufflai, j’étais vide. Mort. Et puis, soudain, je m’effondrai. Je ne pouvais plus pleurer, hurler, frapper.
Bien sûr, j’avais dû me dépêcher. Évidemment, je n’avais pas fermé la porte de ma petite chambre. Je n’aurais jamais pu, dans aucun univers.
Le sac, son contenu alcoolique, tout avait disparu.

*   *   *

Je dormis – en un certain sens. Disons plutôt que j’avais sombré dans un genre de coma sans rêve. Un genre de mort.
Quand je me retrouvai plongé dans l’Enfer, je crus d’abord que cette maison de folie m’avait emporté dans son tissu de cauchemars et de tourments. Mais, dans ce cas, j’aurais pu l’accepter, je l’aurais oublié, ou alors je m’en serais souvenu avec fierté, comme on se souvient des épreuves sans danger, celles qui ne comptent pas vraiment.
Mais c’était bien l’Enfer. À la réflexion, j’aurais pu ne pas me réveiller et accueillir sans même avoir à y penser la mort qui me tendait ses bras brûlants… mais tellement accueillants.
C’est la toux, je crois, les raclements insupportables dans ma propre gorge qui eurent raison de mon sommeil. Mes yeux brûlaient, mes oreilles bourdonnaient. Et mon nez… Il ne fonctionnait pas. J’étais aveugle, sourd. Et j’étais en train de mourir.
Il se passa un moment, plus ou moins long, avant que je ne réalise que la vie avait triomphé, que je ne passerais pas mes derniers instants à rôtir dans un pandémonium de flammes et de fumée.
Je n’ai aucun souvenir de ce moment-là, mais j’avais réussi à ramper – glisser, voler, bondir – hors du bâtiment, et je me retrouvai devant l’entrée principale. J’avais dû y passer un certain temps : je ne toussais plus, mes yeux avaient recommencé à diffuser leur flot d’informations à mon cerveau malmené. L’aile entière – celle où j’avais ma petite cellule – était en train de se consumer. Le feu ne se propageait pas particulièrement rapidement, mais il léchait les murs, à-travers les fenêtres, comme un démon affamé. Celui qui n’a jamais vu un incendie d’aussi près – surtout cet incendie-là – ne peut pas comprendre que la nature n’a rien à faire ici. Il ne s’agit pas d’un spectacle qu’on observe avec plaisir, mais d’une manifestation de la Mort dans notre monde, de l’évocation des puissances les plus terribles et les plus obscures qui aient jamais souillé notre planète de leur présence. Je l’ai vu, je peux vous le dire : rien de ce qu’on peut vivre dans une vie ne vous prépare à ça. Rien.
Je me rendis compte, dans le peu de raison qui restait dans mon esprit malmené, que la mort était en train d’emporter ceux qui se trouvaient ici, que je pourrais me jeter dans les flammes sans que cela n’apporte rien… Et que l’alarme, cette merveilleuse alarme qui déclenchait tellement de processus quand le feu commençait son œuvre de destruction, ne sonnait pas.
Je repassai la porte et l’activai, par reflexe ou suite à un long débat avec moi-même dont je suis incapable de me souvenir. L’alarme se mit à ronfler, à vrombir, à hurler, même si je ne pense pas que cela ait changé grand-chose : dans la nuit, à cette heure bien avancée, la moitié des êtres humains à des kilomètres alentours devaient avoir déjà réagi. Mais, autant que je me souvienne, à ce moment-là, je n’entendais pas encore la moindre sirène ni le moindre véhicule dans la forêt. Et je ne sus pas ce qu’il advint de ceux qui pouvaient sortir, je n’appris les détails de ce moment infernal que bien plus tard, au chaud dans ma chambre d’hôpital, un peu avant que le docteur ne m’incite à écrire ces lignes, « pour comprendre et me libérer ».
Après avoir mis en branle le processus, je ressortis, hagard. Je me mis à sentir le fond de mes entrailles, mes instincts primaires. Je réalisai rapidement que je n’étais qu’un amas de peur, d’effroi et de terreur. Je devais être en état de choc, comme disent les professionnels, reste que je ne contrôlais ni mes actes, ni mes pensées. J’avais envie de courir, vite et loin, mais je ne le faisais pas, j’errais près des flammes, je regardais l’incendie dévorer cette vieille maison, fasciné, alors que c’est la dernière chose que je voulais faire.
Et puis je remarquai quelque chose d’étrange. Deux silhouettes qui semblaient lutter se détachaient en retrait de la maison, leurs ombres grotesques dansant au gré des flammes. Je clignai des yeux, comme si un flash m’y avait forcé, et je ne vis plus qu’une seule forme. Je m’approchai, comme un fantôme, sans y réfléchir, sans le vouloir – je ne voulais absolument rien, à ce moment-là.
Mes pieds buttèrent contre quelque chose de flasque qui dégageait une odeur plutôt alléchante de viande de porc grillé – je suis désolé, c’est ce que j’ai ressenti sur l’instant, et même si cela me dégoûte, si cela restera un des souvenirs les plus affreux, les plus cruels de toute mon existence, c’est la stricte vérité, il y avait quelque chose, dans cette odeur, de parfaitement alléchant, quelque chose de merveilleusement appétissant.
C’était Kramer. Kramer le violent, Kramer le méchant, celui qui je n’aurais jamais imaginé dans le rôle du cadavre immolé.
C’était pourtant bien le cas, ses habits avaient fondu dans sa peau, et au moins la moitié de son corps (celle que je voyais) était complètement brûlée. Dans les lueurs de l’incendie, cela me donnait véritablement l’impression d’observer un morceau de viande, rôtie encore et encore, tellement rôtie qu’il n’y avait pas la moindre goutte de sang, juste un cadavre bruni (même pas vraiment noirci).
La silhouette qui se tenait plus loin me regardait, moi.
« Tu sais pourquoi, maintenant ? »
Il avait une bouteille à la main… son autre main, elle, était tendue vers moi, et elle brûlait.
Je n’avais pas la force de parler, je le regardais, simplement, le regard sans doute perdu. J’étais la moitié d’un homme face à une chose qui n’a rien d’humain… quelque chose qui est plus que ce que nous ne serons jamais.
« J’ai dit : tu sais pourquoi, maton, tu sais pourquoi on doit boire ? » insistait Legrand, une lueur presque surnaturelle dans les yeux.
Je voulais avancer, faire quelque chose.
« Parce que, répondit-il tout seul, parce que l’alcool rend fort. Puissant. L’alcool permet de réduire ce mouroir en cendres (il désignait l’incendie avec sa main enflammée) et de réduire en charpie ceux qui ne peuvent pas comprendre. Moi toi, quelque part, tu comprends. L’alcool rend fort au-delà de toute limite. »
Je voulais m’approcher, prendre un air menaçant, lui montrer que je ne me laisserais pas intimider.
« Tu comprendras, un jour, continua-t-il, tu comprendras, dans la douleur, la solitude et l’ennui, comme tout le monde, mais tu finiras par comprendre. On finit tous par comprendre. »
Je m’approchai encore, tandis qu’un regard mauvais traversait son visage défiguré par la haine, la colère et l’ivresse. Sa main émit des flammes menaçantes et il me jeta – alors qu’il était bien à dix pas – un coup de poing qui envoya une boule de feu que je ne vis pas percuter mon épaule.
Je m’envolai, loin, très loin en arrière, mais je n’en profitai pas, je sombrai dans un univers de néant dont seule la douleur, plus tard, bien plus tard, me tirerait.

*   *   *

Je garderai pour moi l’océan de douleur qui dura ensuite une éternité. Aucun mot ne peut le décrire, et, même si c’était possible, personne ne pourrait commencer à l’imaginer.
Disons simplement que finalement, me voici ici, dans cet hôpital où je suis plus enfermé qu’interné, à remettre – parfois malgré moi – de l’ordre dans mes idées, et à apprendre à me passer de ce bras gauche ballant, tapisserie ignoble de peau lisse aux lignes chaotiques, ce bras dont il aura finalement fallu enlever la main, ce membre mort qui ne sera plus jamais pour moi qu’un poids à porter, sans la moindre contrepartie.
Je ne crois pas que je comprendrai un jour ce qui s’est passé alors. Je ne vais même pas chercher à comprendre. Tout ce que je sais, c’est que la vie plus ou moins ordinaire – un peu solitaire, un peu morose – que je menais avant l’incendie a été consumée à jamais par les flammes. Je suis un homme nouveau – mais pas meilleur – ressuscité dans les flammes, la douleur et les couloirs puants d’un hôpital.
Je ne sais pas si on me laissera libre de mes mouvements un jour. Près d’un tiers des pensionnaires ont trouvé la mort dans la forge de Vulcain de ce jour maudit. Personne n’a expliqué pourquoi Kramer, calciné, se trouvait au milieu d’un champ, et personne n’a jamais imaginé que Legrand n’était pas parmi les cadavres. Personne ne le cherchera, personne ne l’ennuiera, et je pense que, s’il ne meurt pas au fond d’un caniveau comme un rat, cela recommencera, ailleurs, et ses flammes continueront son règne de puissance, de mort et d’alcoolisme.
J’ai été accusé de tous les torts dans cet accident. Tout le monde s’est détourné de moi. Il y aura procès, je serai sans doute reconnu coupable d’avoir apporté un peu du chaos primordial sur cette terre. Je pourrais tout nier, mais je n’en paraîtrais que plus bestial. Je pourrais tenter d’exposer la vérité que je connais, mais je passerais pour un fou – encore que cela ne serait pas la pire option pour moi. Quoi qu’il en soit, je ne peux plus rien espérer, je n’ai pas d’avenir et mon présent n’est que brume et douleur. Mon passé, lui, a été consumé par l’enfer. Je ne suis plus rien.
Comme tout le monde, je continuerai à avancer, à vivre. Je tenterai de surmonter les épreuves qui se présenteront à moi et je ferai ce que tout le monde fait : marcher, aller plus loin, même si cela ne sert à rien et n’a pas le moindre sens.
Je tenterai de garder l’esprit aussi clair que possible.
Et quoi qu’il en soit, je ne boirai pas. Je ne toucherai pas à cette saloperie. Jamais.
Jamais.

Philippe L.
Octobre-décembre 2012 — Paris, Boudry, Grenoble
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